Dispense de préavis : dans quels cadres ?
Un licenciement ou une démission implique, en principe, le respect d’un délai de préavis. Cette période transitoire présente un intérêt tant pour le salarié (qui bénéficie d’un délai pour rechercher un emploi tout en étant rémunéré) que pour l’entreprise (dans ses démarches pour trouver un successeur). Mais lorsque les inconvénients surpassent les avantages, l’employeur peut décider d’une dispense de préavis et autoriser le salarié à quitter l’entreprise dès la rupture du contrat de travail.
Qu’est-ce qu’une dispense de préavis ?
La dispense de préavis suite à la rupture du contrat de travail
Le délai de préavis (ou délai-congé) est une période durant laquelle le contrat de travail continue de produire pleinement ses effets après que l’une des parties ait notifié à l’autre sa décision de le rompre (articles L1234-1 et suivants du Code du travail).
En conséquence, le salarié est maintenu à son poste entre la date de notification de la rupture du contrat (date de première présentation de la lettre recommandée avec avis de réception) et celle de la fin effective du contrat. Il continue de travailler et perçoit sa rémunération.
La durée de ce délai-congé dépend de l’ancienneté du salarié. Elle est fixée soit par la convention collective, soit par la loi (en cas de licenciement : 1 mois pour les salariés à partir de 6 mois d’ancienneté et 2 mois à partir de 2 ans d’ancienneté sauf dispositions conventionnelles plus favorables).
L’employeur peut toutefois dispenser le salarié d’exécuter sa prestation de travail pendant tout ou partie du préavis. Cette dispense peut être décidée unilatéralement par l’employeur ou être demandée par le salarié.
Elle n’a aucune incidence sur la date de rupture définitive du contrat de travail qui intervient au terme du préavis (article 1234-4 du Code du travail).
La dispense de préavis est possible, quelle que soit la nature de la rupture de contrat : licenciement ou démission.
Les cas de rupture exceptionnels pour lesquels il n’y a pas de préavis à respecter
Dans certains cas prévus par la loi, le contrat de travail prend fin sans préavis, notamment :
-
Licenciement pour faute grave, faute lourde ou en raison d’un cas de force majeure ;
-
Licenciement pour inaptitude constatée par la médecine du travail ;
-
Rupture conventionnelle : dans la mesure où le salarié et l’employeur décident d’un commun accord de la date de rupture ;
-
Rupture du contrat suite à l’adhésion du salarié à un Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) ou au dispositif d’Accompagnement personnalisé dans le cadre des accords de Préservation ou de Développement de l’Emploi (APDE) ;
-
Démission des femmes enceintes et des salariés qui souhaitent élever leur enfant au terme d’un congé maternité ou d’un congé d’adoption ;
-
Impossibilité d’exécuter le préavis (incarcération, maladie, défaut de renouvellement de carte de séjour…).
La dispense de préavis à l’initiative de l’employeur
Principes et conditions encadrant celle-ci
L’employeur peut estimer la période de délai-congé soit inutile soit trop sensible. Il peut en effet craindre une démotivation ou des actions déloyales de la part de son salarié.
L’article 1234-5 du Code du travail lui permet de dispenser son employé de l’obligation d’exécuter son préavis, de façon unilatérale et sans avoir à se justifier. Ce dernier ne peut pas s’y opposer.
Toutefois, si cette dispense de préavis intervient dans des circonstances abusives, vexatoires ou humiliantes, le salarié pourra éventuellement prétendre à des dommages et intérêts (Cass. Soc. 27 février 1996. n° 92-42.460) (CA Paris. 7 novembre 1991. n° 91-32298).
Cette décision s’imposant au salarié, il commet une faute s’il persiste à se maintenir à son poste de travail (Cass. soc. 22 février 1973. n° 71-40.655).
La dispense ne se présume pas et elle doit résulter d’une manifestation de volonté claire et non équivoque de la part de l’employeur (généralement une mention sur la lettre de notification du licenciement) (Cass. Soc. 10 décembre. 1985. n° 82-43.682).
Ainsi, si la Loi ne prévoit pas de conditions de forme particulières, il est fortement conseillé, si l’employeur propose verbalement une dispense de préavis, d’en exiger une confirmation écrite. En cas de litige, il appartient en effet au salarié d’en apporter la preuve.
Le statut du salarié dispensé d’exécuter son préavis
Le salarié continue de percevoir sa rémunération (sauf faute grave ou lourde).
L’article 1234-5 du Code du travail prévoit que « l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise »
L’employeur verse ainsi au salarié une indemnité compensatrice de préavis correspondant aux salaires et avantages (heures supplémentaires, primes…) qu’il aurait perçus s’il avait continué à travailler pendant cette période (Cass. Soc. 22 septembre 2010. n° 08-43.113).
À noter que l’indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de congés payés.
Maintien des avantages en nature
Lorsque l’entreprise met à disposition de son salarié des outils à des fins tant professionnelles que personnelles, et qu’ils sont considérés comme des avantages en nature, leur retrait est en principe interdit pendant la dispense de préavis. Il en est ainsi en cas de :
-
Mise à disposition d’une voiture de fonction : le salarié est autorisé à l’utiliser à des fins personnelles jusqu’au terme du préavis non effectué (Cass. Soc. 11 juillet. 2012. n° 11-15.649)(Cass. 24 mars 2021.n° 19-18.930) ;
-
Mise à disposition d’un logement de fonction : Il doit être libéré à la fin du préavis non exécuté. Ce logement rattaché à la fonction n’étant pas régi par la loi sur les baux d’habitation, le salarié ne peut ensuite exiger aucun maintien dans les lieux ;
-
La souscription d’une police d’assurance qui couvre à la fois les risques professionnels et privés : elle ne peut être résiliée avant la fin du préavis non exécuté (Cass. soc. 8 décembre 1993, n° 90-21496).
À défaut, et en cas de retrait irrégulier, l’employeur s’expose à payer des dommages-intérêts en compensation de la perte dudit avantage.
Maintien du contrat de travail jusqu’au terme effectif de la période de préavis
Le contrat de travail continue de produire tous ses effets. En conséquence, le salarié continue de faire partie des effectifs de l’entreprise. Il peut à ce titre participer aux élections professionnelles, être élu et être désigné en qualité de délégué syndical (Cass. Soc. 29/10/2003).
Par ailleurs, l’employé peut s’inscrire en cours de préavis au Pôle Emploi et bénéficier d’un accompagnement en recherche d’emploi.
En l’absence de clause de non-concurrence, il est libre de se faire embaucher par une autre entreprise, même concurrente (Cass. Soc. 15 mars 2000, n° 98-41.028). En ce cas, l’indemnité compensatrice de préavis lui reste acquise.
La dispense de préavis à la demande du salarié
Le salarié peut, suite à son licenciement ou à sa démission, demander à son employeur de ne pas exécuter tout ou partie de son préavis (notamment lorsqu’il a retrouvé un nouvel emploi).
L’employeur n’est alors pas tenu d’accéder à sa demande. Deux situations peuvent se présenter.
Cas où l’employeur accepte
Le salarié est libéré de ses obligations contractuelles. Le contrat est immédiatement rompu, de sorte que le salarié ne peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis correspondante (Cass. Soc. 6 octobre 2010, no 09-65.297). Il n’aura pas non plus de droits aux allocations chômage entre la notification de la rupture et la date de fin théorique de son contrat de travail (Cass. Soc. 26 juin 2008. n° 07-15.478).
Cas où l’employeur refuse
Le salarié reste tenu d’exécuter son préavis. À défaut, il peut être condamné à verser une somme équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis à son employeur.
Il peut en outre, en cas d’abus, être condamné à lui verser une indemnité complémentaire pour brusque rupture de contrat (Cass. Soc. 16 novembre 2004 n° 02-46.135).
À noter que, quelle que soit la décision de l’employeur d’accepter ou de refuser une dispense de préavis, elle devient irrévocable dès lors qu’elle est notifiée au salarié. Aucune rétractation n’est alors possible sans l’accord de ce dernier (Cass. Soc. 20 juin 1990. n° 87-41.136).
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