Différence de salaire entre un homme et une femme d'une même entreprise : quels recours pour exiger un salaire égal à poste égal ?
En 2021, dans le secteur privé, les femmes gagnent 24 % de moins que les hommes sur des postes comparables, selon l’Insee. L’index de l’égalité professionnelle (Egapro) pour 2023 est en moyenne de 88/100 contre 86/100 en 2022.
Mais 3/10 entreprises ne l’ont pas calculé, encore moins publié cette donnée obligatoire renseignée sur le site du Ministère du Travail. Les entreprises d’au moins 50 salariés sont concernées directement par cette déclaration. Cet outil permet de mesurer les écarts salariaux entre les femmes et les hommes et agir dans l’hypothèse où ces disparités salariales sont injustifiées.
À cet effet, la proposition de loi n°5171 visant à mettre fin aux inégalités salariales, notamment aux écarts de salaire à poste égal, prévoit de contraindre les entreprises à mesurer et publier les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Elle a été renvoyée à la commission des affaires sociales en 2022 aux fins d’examens.
I - Qu’est-ce que l’inégalité salariale hommes-femmes ?
Que dit la loi sur le principe à travail égal salaire égal ?
L’article L. 3221-2 du Code du travail fait référence au principe d’égalité salariale entre les hommes et les femmes s’agissant des salariés du secteur privé comme publics. Ce principe signifie que deux salariés placés dans une situation identique se doivent de percevoir un même revenu salarial. Sont bannies les discriminations au travail, par exemple fondées sur le genre. La différence de rémunération est néanmoins possible quand elle est justifiée par des causes légitimes : expérience professionnelle, qualité du travail, l’ensemble des éléments doit être basé sur des critères objectifs.
ATTENTION : si les disparités sont perceptibles au niveau du travail à temps complet, le fait que les personnes qui travaillent à temps partiel sont majoritairement des femmes, est aussi un indicateur de discrimination de genre : choix par obligation de ce type de contrat très souvent pour devoir assumer des responsabilités familiales, garde d’enfant… Elles sont obligées de s’orienter vers du temps partiel, de devoir s’adapter à des horaires « particuliers » sans pour autant toucher un salaire équitable. Ces femmes salariées font face à une double peine : être en mesure de concilier vie professionnelle et familiale tout en étant davantage touchées par cette précarité économique.
Qu’est-ce qu’une discrimination salariale ?
Il y a discrimination salariale quand une personne reçoit un salaire inférieur pour le même travail qu’une autre, en raison de certaines caractéristiques : genre, âge, orientation sexuelle… L’employeur doit s’assurer de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale entre les hommes et les femmes sous peine d’inégalité de traitement salarial dès lors que rien ne distingue objectivement les salariés en question : même ancienneté, qualification, formation…
ATTENTION : la “ségrégation professionnelle”, bien que pouvant mener à des inégalités salariales entre les femmes et les hommes, ne doit pas pour autant être confondue avec ce principe. En effet, elle se réfère à la répartition inégale des hommes et des femmes dans les différentes professions et secteurs d’activité. Les femmes étant sous-représentées dans des emplois dits « bien » payés. À contrario, les inégalités salariales font référence à des différences de traitement en termes de salaire bien qu’étant placés dans la même situation ; la rémunération de l’un est inférieure à celui de l’autre pour un travail identique.
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de transparence salariale ?
Pour limiter ce plafond de verre quant à l’accès aux postes à responsabilité et aux inégalités de salaire, l’employeur doit fournir une grille de salaires claire, évaluer la rémunération des employés selon des critères objectifs (compétences, expérience, responsabilités…) et ce, sans discriminations. Les entreprises de plus de 50 salariés sont tenues de déclarer l’index de l’égalité professionnelle, depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, aux services de l’Inspection du travail (DREETS). Le CSE doit aussi en être informé via la base de données économiques, sociales et environnementales ou BDESE.
Lorsque l’index est calculé et publié, l’entreprise doit le communiquer au comité social et économique, ci-après, CSE, en utilisant la base de données adéquate : la fameuse BDSE. D’autant plus que l’égalité professionnelle et la rémunération font partie des négociations annuelles obligatoires (NAO) entre le CSE et l’employeur. De cette manière, l’entreprise se doit de respecter les règles en matière de transparence, de communication des informations en rapport avec l’égalité des salaires des femmes et des hommes.
Comment l’employeur peut-il justifier une différence de salaires ?
Une différence de salaires a lieu pour des raisons légitimes, fondées sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et vérifiables.
Ainsi, un salaire net inférieur à celui des collègues masculins peut s’expliquer, entre autres, par :
- Le niveau d’expérience ;
- La classification professionnelle ;
- Le niveau d’étude ;
- L’ancienneté ;
- La formation ;
- La qualification ;
- Les tâches à accomplir ;
- Les horaires de travail…
L’employeur doit pouvoir justifier ces écarts de salaire. À défaut, il y a discrimination professionnelle fondée sur la rémunération.
II - Comment prouver une discrimination salariale basée sur le sexe ?
Il faut être en présence de faits permettant de présumer l’existence d’une telle discrimination. Le salarié peut présenter des procès-verbaux d’évaluation comprenant des feedbacks positifs de la hiérarchie (Cass. Soc., 20 févr. 2008, n°06-40.085) ; des témoignages, bulletin de paye des collègues concernés.
En revanche, les informations en lien avec la BDESE sont confidentielles (article L2312-36 Code du travail) bien que très utiles pour l’exercice des droits en justice. Ainsi, dans certaines situations, le salarié peut ne pas disposer de preuves suffisantes. Dans ce cas, sur la base de l’article 145 du CPC, ce dernier peut demander au Juge des mesures d’instruction à l’encontre de l’autre partie, sur requête ou en référé. Cela est pris en compte par le Juge prud’homal pour la suite de la procédure, notamment ordonner les mesures d’instruction légalement admissibles.
III - Quels recours en cas d’inégalité salariale ?
Vous avez tenté une négociation salariale avec votre supérieur hiérarchique et/ou la direction des ressources humaines en demandant un salaire équivalent à celui perçu par vos collègues pairs masculins ? Mais cette tentative s’est révélée infructueuse ? Voici quelques recours.
Recours 1 - Consulter le CSE de votre entreprise
Le CSE a plusieurs missions telles que présenter à l’employeur des réclamations individuelles portant sur le salaire. L’employé peut donc signaler les faits au CSE afin d’être accompagné et espérer la renégociation de son salaire.
Recours 2 - Saisir l’inspection du travail
La salariée peut aussi se référer à l’Inspection du travail, compétent pour veiller au respect des dispositions légales concernant le Code du travail en cas d’échec de la tentative de rénégociation salariale.
Recours 3 - Saisir le Conseil de prud’hommes
La salariée peut saisir le CPH pour faire valoir ses droits étant victime de discrimination salariale et demander réparation du préjudice subi.
À NOTER : une procédure de référé pour demander des bulletins de salaire des collègues masculins, quand bien même les éléments communiqués porteraient atteinte à la vie personnelle de ces personnes est tout à fait légitime pour une raison. Dès lors qu’il existe un motif légitime proportionné au but poursuivi. L’atteinte s’en retrouve justifiée, car les éléments produits sont nécessaires à l’exercice du droit à la preuve.
IV - Que risque l’employeur si l’écart de salaire est injustifié ?
1 - Sanctions pour l’employeur
Il peut faire face à des sanctions civiles : être condamné à dédommager l’intégralité du préjudice subi par la salariée : financier, moral. Elle a 5 ans pour agir dans ce cas. La réintégration est possible en cas de licenciement déclaré nul pour un motif discriminatoire. L’employeur n’est pas à l’abri de sanctions pénales comme des amendes.
2 - Réévaluation du salaire
En vertu de l’article L.3221-1 à L3221-7 du Code du travail, l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. En présence d’une inégalité, il est contraint de réévaluer le salaire. La rémunération la plus élevée prime sur celle remplacée.
3 – Rappel de salaire
L’employeur peut être tenu de verser des rappels de salaire à la personne victime, outre les dommages et intérêts sur une période de trois ans ou plus selon les cas.
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