Mon patron me met la pression pour que je démissionne - que faire et comment se défendre ?
Le salarié qui démissionne doit manifester sa volonté claire et non équivoque de quitter l’entreprise. Malheureusement, certains employés se retrouvent confrontés à des situations dans lesquelles ils sont poussés à quitter leur emploi de manière indirecte. Ce phénomène de harcèlement moral au travail est souvent désigné sous les termes de démission contrainte ou forcée, harcèlement démissionnaire ou encore quiet firing (en France, on parle plutôt de licenciement silencieux). L’employeur dégrade volontairement les conditions de travail du salarié pour provoquer son départ.
I - Qu’est-ce que la pression psychologique au travail ?
Elle fait référence à un ensemble de facteurs et de comportements qui créent un environnement professionnel stressant et préjudiciable pour les employés.
Elle peut recouvrir différentes formes (mise au placard…) et peut entraîner des conséquences néfastes sur la santé mentale et physique des employés (stress chronique, anxiété, dépression, épuisement professionnel ou burn-out et insomnie). Cela peut également affecter la productivité, la motivation et le sentiment d’accomplissement des employés, ce qui peut entraîner une baisse de la performance globale de l’organisation.
Cette faute grave de la part de l’employeur peut prendre plusieurs formes:
- Dénigrement constant/baisse d’estime personnelle ;
- Menaces et intimidations ;
- Brimades ;
- Reproches injustifiés ;
- Surcharge de travail…
Elle peut également toucher directement au poste et aux ambitions de carrière de l’employé.
- Tâches ingrates et/ou inutiles ;
- Placardisation ;
- Objectifs irréalistes ;
- Retard de salaire ou salaire non versé ou partiellement…
II - Qu’est-ce que le harcèlement démissionnaire ?
1- Comment peut-on définir une démission forcée ?
La jurisprudence définit la procédure de démission comme “un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail”. En cas de démission forcée, la décision du salarié de quitter son emploi est contrainte par des facteurs externes. Ce dernier se voit contraint de quitter son emploi afin de préserver sa santé mentale, son bien-être au travail ou sa dignité, face à une situation professionnelle devenue insoutenable.
C’est une forme insidieuse de harcèlement qui vise à pousser un employé à démissionner de son poste plutôt que de lui proposer une rupture conventionnelle de son contrat. Certains employeurs ont recours à cette pratique pour éviter les conséquences légales et financières d’un licenciement formel.
Elle peut être le résultat d’une coercition psychique que le patron exerce sur l’employé.
2 - Comment prouver une démission forcée ?
Il existe différents moyens d’apporter la preuve d’une telle pratique :
2.1 - Témoignages de collègues
Si d’autres collègues ont été témoins du harcèlement, de la contrainte psychologique ou des pratiques injustes qui ont conduit le collaborateur a démissionné, leurs témoignages peuvent venir étayer la situation de harcèlement démissionnaire.
2.2 - Documentation des preuves
Il est important de rassembler toute documentation pertinente, tels que des e-mails, des messages, des notes ou des enregistrements qui démontrent les comportements abusifs, les menaces, les humiliations ou tout autre élément constitutif de celle-ci.
2.3 - Recours extrajudiciaires
Dans le cas où des recours extrajudiciaires ont été engagés, tels que des plaintes formelles auprès des ressources humaines de l’entreprise, des médiateurs du travail, ou des organismes gouvernementaux compétents, le salarié doit conserver les pièces justificatives de ces démarches.
2.4 - Suivi médical
Le salarié qui a été contraint de prendre des arrêts maladie ou qui s’est vu appliquer un avis d’inaptitude par la médecine du travail en raison du stress ou de problèmes de santé liés à son environnement professionnel peut apporter les certificats médicaux pour prouver le caractère forcé de sa démission.
III - Mon employeur me dit de ne pas venir au travail - quels risques ?
Dans le cas où le salarié ne se présente pas au bureau sans motif légitime, cela peut être considéré comme une absence injustifiée. En effet, loi impose que toute absence soit justifiée, quelle qu’en soit la cause et la durée. À défaut, l’absence du salarié peut être considérée comme un abandon de poste. Le salarié s’expose alors à plusieurs risques :
- Suspension de sa rémunération ;
- Perte des droits au chômage ;
- Réputation professionnelle entachée ;
- Requalification de l’abandon de poste en démission. En effet, l’article 4 de la loi du 21 décembre 2022 pose une présomption de démission lorsque l’employé abandonne ses fonctions. Cette présomption est toutefois conditionnée par l’envoi d’une mise en demeure préalable de l’employeur demandant au salarié de justifier son absence et de reprendre ses fonctions dans un délai de 15 jours suivant la réception de la mise en demeure.
IV - Quelles sont les solutions que peut envisager le salarié harcelé avant de démissionner ?
1 - Recours extrajudiciaires
Le salarié peut tout d’abord informer le Comité Social et Économique (CSE) des faits de harcèlement dont il est victime en entreprise. Le CSE joue un rôle de prévention de harcèlement moral dans une organisation.
En parallèle, le salarié peut consulter le médecin du travail de l’entreprise. En cas de souffrance en entreprise, il est l’interlocuteur privilégié et est tenu au secret professionnel.
Enfin, l’inspection du travail peut être saisie en cas de harcèlement moral. Elle peut assister le salarié lors de la transmission de son dossier en justice. Une enquête est menée pour confirmer ou infirmer les faits. En cas de confirmation, des recours en justice peuvent être engagés.
2 - La résiliation judiciaire
Dès lors que l’employeur commet des manquements graves à ses obligations contractuelles, le salarié est en droit de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Pour ce faire, l’employé doit saisir le Conseil des Prud’hommes. En première instance devant le CPH même si l’employé a le droit à un avocat, sa représentation reste facultative.
À NOTER : cette requête peut être formulée par un collaborateur en CDI ou en CDD (uniquement en cas de force majeure ou si la hiérarchie a commis une faute grave).
Si les manquements invoqués par le salarié sont suffisamment graves et caractérisés, le Juge requalifie la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et prononce la rupture du contrat. La rupture prend effet à la date du jugement, l’employeur est alors tenu de verser :
- L’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle ;
- Celle pour licenciement abusif (Barème Macron) ;
- Celle compensatrice de congés payés ;
- Les indemnités de préavis.
L’employé a droit également aux allocations chômage.
La résiliation judiciaire est moins risquée que la prise d’acte. En effet, en cas d’une prise d’acte, si le salarié est débouté de sa demande, la rupture produit les effets d’une démission. Dans le cadre d’une résiliation judiciaire, la relation de travail est maintenue.
V - Quels sont les recours juridiques d’un salarié qui a déjà envoyé sa lettre de démission pour cause de pression au travail ?
Option 1 - La demande en nullité
Le salarié qui a déjà envoyé une lettre de démission pour souffrance au travail peut saisir le Conseil des prud’hommes d’une demande en nullité pour vice de consentement. En effet, la validité de la démission est compromise dès lors que celle-ci ne découle pas de la volonté claire et non équivoque du salarié, mais du comportement fautif de l’employeur. Si la demande du collaborateur est acceptée, la démission est annulée.
Option 2 - La requalification de la démission en prise d’acte de la rupture contractuelle
Le salarié qui souhaite se rétracter sur sa démission peut également solliciter sa requalification en prise d’acte. Cette requalification est possible dès lors que l’employé parvient à prouver que sa décision démissionnaire résulte de l’attitude fautive de son patron (“faits ou manquements imputables à son employeur” - Arrêt Cass. soc. 9 mai 2007). Si sa demande est acceptée, le contrat est rompu et le salarié bénéficie des indemnités de licenciement et peut même percevoir des dommages et intérêts si son licenciement est injustifié.
À NOTER : que le collaborateur soit en CDD ou en CDI (sauf s’il est en période d’essai), il peut prendre acte de la rupture de son contrat.
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