Licenciement d’un salarié en arrêt maladie : quand l'autorise-t-on ?
La maladie du salarié ne peut en aucun cas constituer un motif valable de rupture du contrat de travail. Un tel licenciement est discriminatoire au sens de l’article L1132-1 du Code du travail et doit donc être frappé de nullité. Cependant, la protection du salarié en arrêt maladie n’est pas absolue et son contrat peut, sous certaines conditions, être rompu. Dans quels cas un salarié malade peut-il être licencié ? Dans quelles conditions ? Quelles sont les procédures applicables ? Le point sur la question.
Pour quels motifs valables un salarié en arrêt maladie peut-il être licencié ?
Les restrictions à la liberté de licencier un salarié arrêté pour maladie
L’article L1132-1 du Code du travail dispose qu’« aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap ». Un licenciement motivé par l’état de santé du salarié est considéré comme discriminatoire et doit donc être annulé (article L. 1235-3-1 du Code du travail). La résiliation du contrat peut cependant intervenir sur la base de motifs étrangers à la maladie.
Une protection légale renforcée existe concernant les salariés en arrêt pour “maladie professionnelle ou accident du travail” (c’est-à-dire survenu par le fait ou à l’occasion du travail). En effet, ils ne peuvent pas être licenciés pendant la période de suspension de leur contrat de travail à durée indéterminée, sauf dans deux cas précis :
-
La constatation d’une faute grave (ex. L’employé qui refuse de se présenter à la visite médicale de reprise ou viole son obligation de loyauté) ;
-
L’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie ou à l’accident. Selon la jurisprudence, cette impossibilité doit découler de circonstances indépendantes du comportement du salarié et de son état de santé. Ainsi, le salarié ne peut pas être licencié du fait de perturbations causées par son absence ou d’une insuffisance professionnelle (Cass. Soc. 12 mai 2004 n° 02-44.325).
Dans tous les autres cas, un licenciement intervenu pendant la période de suspension de leur contrat est nul.
Quels sont les motifs légitimes de licenciement pendant un arrêt de maladie ?
Les salariés en arrêt pour “maladie non professionnelle” peuvent être licenciés. Cependant, les conditions sont strictes et les situations limitées par la jurisprudence ainsi que par certaines dispositions conventionnelles. Les motifs autorisés sont les suivantes.
1 - La désorganisation de l’entreprise
L’absence du collaborateur pour maladie ne peut pas en elle-même motiver la rupture de son contrat. En revanche, le licenciement est possible si l’employeur apporte la preuve que cette absence cause des perturbations dans le bon fonctionnement de l’entreprise.
Il existe trois conditions :
-
Une absence prolongée ou des absences répétées ;
-
Une perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise (les Juges tiennent compte notamment du nombre et de la durée des absences, de la taille de l’entreprise et des fonctions occupées par l’employé) ;
-
La nécessité de procéder à un remplacement définitif du salarié. Elle suppose que l’entreprise embauche un nouveau collaborateur avec des horaires équivalents et sous CDI (et non pas sous CDD ou contrat d’intérim). Ce remplacement doit intervenir à une date proche du licenciement (Cass. Soc. 16-9-2009 n° 08-41.879). Les juges considèrent par exemple qu’un délai de 6 mois est excessif pour recruter une Secrétaire administrative, mais raisonnable dans le cas d’un poste de Directeur (Cass. Soc. 24 mars 2021. n° 19-13188).
En outre, l’absence du collaborateur ne doit pas résulter d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (ex. : surcharge de travail causant un stress intense et une dégradation de l’état de santé de l’employé, ou harcèlement moral).
ATTENTION : certaines conventions collectives comportent une « clause de garantie d’emploi » qui interdit pendant une certaine période (ex. 6 mois) de rompre le contrat du salarié malade dont l’absence désorganise l’entreprise. À défaut, c’est un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 18 décembre 2019 n° 18-864).
2 - L’inaptitude médicale du salarié
Le licenciement pour inaptitude est possible sans pour autant méconnaître le principe de non-discrimination.
À l’issue d’un arrêt maladie, le médecin du travail peut déclarer le collaborateur inapte à reprendre son activité professionnelle. L’employeur doit alors chercher à le reclasser dans un autre emploi adapté à ses capacités. Il n’est dispensé de cette obligation que si l’avis médical mentionne que « tout maintien du salarié dans l’emploi sera gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
L’employeur peut résilier le contrat s’il justifie (par écrit) :
- D’une impossibilité de reclassement en l’absence de poste conforme disponible ;
- Ou d’un refus par l’employé du ou des postes proposés.
3 - Les autres motifs de licenciement non disciplinaire
Certains faits non fautifs peuvent justifier le licenciement d’un salarié absent pour maladie lorsqu’ils sont constitutifs d’une cause réelle et sérieuse. C’est le cas notamment :
-
D’une insuffisance professionnelle, telle que la commission répétée d’erreurs professionnelles par le collaborateur malgré le suivi de formations ;
-
D’objectifs contractuels non atteints, à condition qu’ils aient été raisonnables et compatibles avec le marché (Cass. Soc. 30 mars 1999. n° 1484) ;
-
D’un refus de modification de son contrat de travail par le salarié ;
-
D’une mésentente entre collaborateurs ou d’une perte de confiance si elle repose sur des faits objectifs, précis et qu’elle est imputable au collaborateur ;
-
D’actes de la vie personnelle de l’employé, mais uniquement si l’employeur démontre qu’ils causent un « trouble caractérisé au sein de l’entreprise » (Cass. Soc.15 janvier 2014. n° 12-22.117).
4 - Le motif disciplinaire en cas de faute du salarié
Malgré la suspension de son contrat de travail, le collaborateur absent pour maladie peut être licencié s’il commet une faute sérieuse, une faute grave ou une faute lourde (ex. mensonge sur son état de santé, exercice d’une activité concurrente…). L’employeur peut également mettre en œuvre une procédure disciplinaire s’il a connaissance de faits fautifs antérieurs à l’arrêt maladie.
5 - Le motif économique
Les salariés absents pour maladie sont, au même titre que tous les autres employés de l’entreprise, susceptibles de faire l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique.
Selon l’article L1233-3 du Code du travail (modifié par la Loi du 29 mars 2018), le licenciement économique n’est valable qu’en cas :
- De suppression de poste ;
- De transformation d’emploi ;
- Ou de modification essentielle du contrat de travail refusée par le collaborateur.
Elles doivent faire suite notamment à :
-
Une cessation d’activité ;
-
Des difficultés économiques sérieuses ;
-
Des mutations technologiques ;
-
Une restructuration nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. L’employeur doit en ce cas respecter une procédure spécifique de licenciement pour motif économique : PSE.
Licenciement d’un salarié en arrêt maladie : quelle est la procédure à suivre ?
Elle dépend du motif invoqué par l’employeur à l’appui de la rupture du contrat de travail.
A - Celle du licenciement pour motif personnel
Lorsque le licenciement est motivé par une faute, un fait non fautif, une désorganisation de l’entreprise ou une inaptitude du salarié malade, l’employeur doit respecter la procédure suivante :
Étape 1 - Convocation du salarié à un entretien préalable
Elle se matérialise par lettre RAR ou lettre remise en main propre et doit obligatoirement mentionner :
- L’objet ;
- La date ;
- Le lieu ;
- L’heure de l’entretien ;
- Et la possibilité pour le salarié de se faire assister.
ATTENTION : cette convocation, qui marque l’engagement des poursuites, doit être envoyée rapidement et sans attendre la fin de l’arrêt maladie (Cass. Soc. 5 février 1997. n° 94-44.538). En effet, l’employeur qui a connaissance d’un fait fautif a 2 mois maximum pour engager une procédure de licenciement disciplinaire (article L1332-4 du Code du travail). Or, ce délai de prescription n’est ni interrompu ni suspendu par la maladie du collaborateur (Cass. Soc. 25 octobre 2007 n° 06-42.493). Ainsi passé ce délai, la faute est prescrite et le licenciement intervenu tardivement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Étape 2 - L’entretien préalable
Il doit avoir lieu au moins 5 jours ouvrables après présentation de la convocation. L’employeur indique alors les motifs de la décision envisagée et prend acte des explications du salarié.
Étape 3 - Notification du licenciement
Elle est transmise par lettre RAR, au moins 2 jours ouvrables après l’entretien et dans un délai maximum de 1 mois en cas de licenciement disciplinaire. Elle précise le motif invoqué par l’employeur.
Étape 4 - Respect du préavis de licenciement
L’employé exécute celui-ci (sans pouvoir travailler) sauf en cas de :
- Dispense par l’employeur ;
- Faute grave
- Ou d’inaptitude.
À NOTER : L’arrêt pour maladie professionnelle ou accident du travail interrompt le préavis et le prolonge d’autant.
B - Celle du licenciement pour motif économique
Si l’employeur envisage de licencier son salarié pour motif économique, la procédure à respecter est sensiblement différente :
-
Convocation à un entretien préalable (1) : par lettre RAR ou bien remise en main propre ;
-
Entretien préalable au licenciement (2) : à une date fixée au minimum 5 jours ouvrables à compter de cette convocation ;
-
Notification d’une lettre de licenciement (3) : par lettre RAR après un délai d’au moins 7 jours ouvrables pour un collaborateur non-cadre et 15 jours ouvrables pour un salarié cadre. Cette lettre de licenciement doit obligatoirement mentionner : le motif économique, une priorité de réembauchage pendant un délai de 1 an à compter de la rupture du contrat (article L1233-45 du Code du travail) ainsi qu’une proposition de « Contrat de Sécurisation Professionnelle » (CSP) dans les entreprises de moins de 1000 salariés ou d’un « Congé de Reclassement Personnalisé » dans celles de 1000 salariés ou plus ;
-
Information à la DIRECCTE ou Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (4) : dans un délai de 8 jours suivant le jour de la notification.
La contestation du licenciement par le salarié en arrêt maladie
La saisine du Conseil de prud’hommes
L’employé en arrêt maladie licencié pour un motif personnel ou économique peut en contester le bien-fondé. Il doit alors saisir le Conseil de prud’hommes dans un délai d’1 an à compter du jour de la notification du licenciement. La juridiction peut déclarer la nullité du licenciement. En ce cas, le salarié peut obtenir sa réintégration au sein de l’entreprise ainsi qu’une indemnité égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre le jour de l’éviction et la réintégration effective. Si elle n’est pas possible ou si le salarié ne la souhaite pas, le Juge lui octroie une « indemnité spécifique » qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
Si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, il peut obtenir paiement d’une indemnité pour licenciement injustifié. Son montant varie en fonction de son ancienneté et du nombre de salariés au sein de l’entreprise.
Les indemnités versées au salarié en arrêt maladie suite à son licenciement
À ces éventuels dommages et intérêts versés dans une telle situation, le salarié perçoit des indemnités de fin de contrat dans les conditions suivantes :
-
Une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (article 1234-9 du Code du travail). À noter qu’un salarié en arrêt pour maladie professionnelle licencié pour inaptitude perçoit une indemnité spéciale de licenciement au moins égale au double du montant fixé par la loi (article L. 1226-14 du Code du travail) ;
-
Une indemnité compensatrice de préavis (article L.1234-5 du Code du travail) ;
-
Une indemnité compensatrice de congés payés (article L 3141-28 du Code du travail).
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